Rester "positif" en évitant les dérives du greenwashing
La conscience écologique n’a jamais été aussi grande en Occident qu’aujourd’hui, mais elle n’est pas encore généralisée. De l’impact du mode de vie de chacun sur la planète aux émissions de carbone, en passant par la protection du climat ou de la nature, aujourd’hui tout est proclamé positif. Or, s’auto-promouvoir positif est-il suffisant pour éviter de faire du greenwashing ?
On remarque que le mot greenwashing est plus recherché sur internet que celui de paraben depuis 2020 : c’était pourtant un sujet d’inquiétude majeur dès les années 2000 en matière de produits cosmétiques. Le monde change et les marques s’adaptent, certaines communiquent sur leurs actions environnementales et sociétales, d’autres craignent de s’y aventurer n’ayant pas toujours les compétences en interne. D’autant plus que dans le public, une communauté engagée s’est structurée depuis que le concept de développement durable a été formalisé en 1992.
Tromper son audience sur les caractéristiques écologiques d’un produit et tenter de le faire apparaître plus écoresponsable qu’il ne l’est en réalité, tout le monde s’accorde à dire que c’est du greenwashing. Mais il n’est pas aussi simple à éviter : on peut en faire simplement parce que l’on manque de données chiffrées précises sur l’ensemble de la chaîne de valeur ou parce que l’on ne connaît pas suffisamment certains matériaux comme les plastiques. Il ne résulte pas toujours d’un acte délibéré, cela peut être fait de façon inconsciente et c’est vraisemblablement le plus dangereux.
Quand se dire positif revient à faire du greenwashing
Le plus fréquent est l’exagération : le tee-shirt d’une start-up qui se qualifie elle-même d’earth positive (positive pour la planète) reste un tee-shirt. La start-up a peut-être une démarche très sérieuse en matière de développement durable mais elle fait clairement de la surenchère par rapport à ses concurrents.
Le terme positif est souvent utilisé lorsque l’on ne prend pas en compte l’ensemble du cycle de vie d’un produit, c’est du greenwashing partiel. Des matières premières à la fin de vie de l’objet, en passant par le transport, la production, la distribution et l’usage du consommateur, aucune étape ne peut être oubliée, en particulier quand une entreprise cherche à atteindre la neutralité carbone. Souvent, seules la production et la distribution sont prises en compte.
Quant à l’expression climate positive (positif pour le climat) elle va encore plus loin car elle prétend compenser plus d’émissions de gaz à effets de serre qu’elle n’en émet sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
Très en avance en matière de lutte contre le greenwashing Gucci donne l’exemple via son programme Gucci Equilibrium consultable sur internet, qui prend en compte l’ensemble du cycle de vie de ses pièces.
Apparu à l’issue de la COP 15 qui s’est tenue à Montréal au Canada fin 2022, le mot nature positive ajoute aux indicateurs d’émissions de CO2, un nouveau chapitre portant sur la préservation de la biodiversité. Imparfaitement qualifié et non encore réglementé, le concept est fréquemment utilisé sans marqueurs précis ce qui en fait un exemple de greenwashing vague. Marilia Monteiro Silva, experte finance pour la campagne Forêts et alimentation de l’association Greenpeace International exprime de grandes réserves et explique que le concept vise plus à sauver un modèle économique en perdition qu’à protéger la biodiversité. Il est impossible à l’homme de réparer à l’identique la nature qu’il a préalablement détruite.
Avoir une approche positive sans employer le mot positif
Le concept du positivisme n’est pas choisi par hasard dans les nouvelles revendications écologiques et sociétales : il renvoie une image enthousiaste de la vie, joyeuse et tournée vers l’avenir qui ringardise l’écologie punitive et atténue l’éco-anxiété, maladie apparue au début du 21e siècle face aux désordres environnementaux devant lesquels on se sentait impuissant.
Malgré une conscience écologique grandissante, les actions ne suivent pas toujours car plusieurs biais psychologiques peuvent empêcher l’action : une sur-confiance naturelle lorsque l’on minimise la probabilité d’occurrence des événements graves combinée à l’inertie au changement. Avoir une approche positive aide à contourner ces écueils et des premiers résultats encourageants ont confirmé qu’une pédagogie ludique peut encourager le passage à l’action.
Elle aide également à clarifier les incompréhensions qui perdurent entre la transparence et la sobriété durables et les codes feutrés du luxe, et elle permettra de lutter avec plus d’efficacité contre le greenwashing. Et fidèle à sa tradition d’excellence, le luxe a un devoir d’exemplarité à assumer dans cette métamorphose.
Visuel © Gucci Equilibrium, photos © Nacho Alegre © Rebekka Deubner
mercredi 22 mars 2023, 08:23